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Michel Carcenac en livre numérique, lecture des premières pages ...
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Les premières pages de Bouloc les origines, par Michel Carcenac :

I. Genèse





« Monsieur le Comte, ne restons pas à cette place, venez !
— Mais, Bouloc, il ne tombera pas ici.
— On ne sait jamais, regardez cette forte ramure sur la gauche : dans la chute, elle risque d’être retenue par le chêne voisin, de faire pivoter notre arbre qui tombera où on ne l’attend pas. Vous pensez qu’à cette distance nous ne risquons rien, mais au sol, un arbre est beaucoup plus grand qu’on ne l’imagine.
— Bon, soyons prudents. Cette coupe, elle avance ?

Au point du jour, la porte de Combret s’ouvrit pour eux et ils descendirent le chemin pentu. Le comte montait Carcaline, une jument pie, et Bouloc un hongre pommelé nommé Contus. Un maquignon avait amené ces bêtes de labour d’au-delà de la Loire. Le comte les aimait, ils ne craignaient pas la fatigue et, à la chasse, ils étaient plus calmes que ses chevaux d’apparat. Deux griffons fauves de Bretagne les accompagnaient, frétillants de la queue, fous de joie de partir avec le maître. Ils avaient déjà chassé le loup, mais à la poursuite du sanglier ils se surpassaient, fins de nez avec les narines bien ouvertes, courageux avec du mordant. Leur poil dur les protégeait des ronces et des épineux et ils ne craignaient pas de s’engager dans une végétation très dense. Vadrouille la chienne avait une robe couleur froment doré et Souillard, le mâle, une robe fauve, avec quelques taches plus claires. Le baron avait donné à son griffon le nom du chien favori de plusieurs rois de France.
Les cavaliers traversèrent le Rance sur le vieux pont. En montant vers la Bessière, ils sortirent du brouillard et virent le soleil se lever. La vallée était noyée dans la brume, mais le château en émergeait sur son éperon rocheux. Le comte s’arrêta pour contempler sa demeure et Bouloc l’admira aussi et lui fit des compliments. Ils avancèrent jusqu’au sommet du Puech de Cazelles et mirent pied-à-terre. Sur de grands pins, ils remarquèrent des frottoirs dont les croûtes de boue étaient encore humides. A voir la hauteur de ces marques, l’animal qui s’était nettoyé sur cet arbre était de taille exceptionnelle. Les laissées abondaient et menèrent les chiens à la souille toute proche. Les chasseurs se remirent en selle, suivirent les chiens dans la descente jusqu’au ruisseau et reprirent de la hauteur dans le bois de Roque Rouge. Les aboiements les guidaient dans la grande futaie, des cris courts et répétés, une voix de cogneur soutenue, grave. Ils arrivèrent au milieu de la coupe, et Bouloc salua de la main ses ouvriers, songeant un instant que ce n’était pas sérieux de galoper comme un gamin, avec tout ce travail, mais l’ardeur à suivre le gibier le reprit bien vite. Ils ne le voyaient toujours pas et seuls les cris des chiens les guidaient et les excitaient. Tous deux l’aperçurent enfin sur la berge, une masse noire qui pesait bien les six cents livres. Le fauve s’arrêta, fit face, mais à la vue des chevaux, il plongea dans le Rance. Seule la pointe du groin dépassait de l’eau, il nageait vite en descendant le courant ; les chiens le suivaient en donnant de la voix, sautant par dessus les ronces, fonçant dans les taillis et se jetant à l’eau quand leur proie traversa la rivière et accosta sur la rive droite. Le comte et Bouloc firent de même, toujours en selle, mais les bottes assez mouillées. Sur ce côté de l’eau, la terre n’était pas riche comme en face, des pierrailles rondes roulaient sous le sabot des chevaux : le bois de Lus ne comptait que des chênes rabougris. « Encore heureux que nous ne soyons pas à pied, se répétait Bouloc, jamais je n’aurais pu suivre. » Les chiens serraient le sanglier de près et bientôt ils l’acculèrent contre un talus où il faisait face, assis sur le train arrière. A l’arrivée des chasseurs, il grogna, et telle était sa taille que les chiens restaient à bonne distance. Devant son maître, Souillard s’enhardit et réussit à saisir l’oreille, mais un coup de groin le projeta en l’air et il retomba sur les défenses. Le ventre ouvert tout du long, Souillard se retira de la bagarre, geignant et perdant ses tripes. Vadrouille se tint à bonne distance, hurlant à la mort.
Son chien préféré mis à mal, le comte piqua sa lance dans le poitrail, à l’endroit où une grosse plaque de cartilage sert d’armure. La fureur lui fit commettre cette faute. Le solitaire, rendu enragé, la crinière hérissée, chargea le cheval aux pattes, le fit basculer, s’acharna sur lui. Cela se fit très vite et le comte, désarçonné, se retrouva étendu sur le sol un peu plus loin. Le sanglier le vit, fonça, mais Bouloc avait déjà mis pied à terre et se trouvait devant lui. Il piqua son épieu entre le cou et l’épaule, au bon endroit, et la lame d’acier pénétra jusqu’à la croisette. Il n’y avait pas d’arbre à côté pour bloquer l’autre extrémité de l’épieu et Bouloc essayait en vain de maintenir le fauve, au milieu du vacarme des bêtes. Il était fort, les bûcherons ne sont pas des gringalets, mais six cents livres de muscles en action, c’était trop, et il se battait maintenant pour sauver sa vie. En reculant, il bascula sur le cheval, tomba sur le dos et reçut l’énorme masse sur la poitrine.
Deux paires de défenses, deux trous noirs dans le groin, le visage de la mort. Il ne devait plus rien voir. Il entendit ses côtes se briser et sentit des poignards s’enfoncer dans les poumons ; il eut conscience d’un jet de sang qui sortait de sa bouche et perdit connaissance.
L’épieu toujours fiché dans sa chair, le sanglier s’acharnait sur lui, le labourait de ses défenses longues comme un travers de main, mélangeait son sang au sien. Le comte se releva, se jeta sur le dos du sanglier et lui enfonça sa dague dans le cou à maintes reprises, jusqu’à la mort du vieux mâle. Tout était achevé. Couvert de sang, anéanti, il s’appuya contre un chêne et regarda avec horreur ce terrible spectacle. Bouloc gisait mort, la tête bloquée contre le ventre de Carcaline agonisante, le reste du corps enfoui sous son bourreau. Les hampes de la lance et de l’épieu divergeaient et dessinaient un V, la victoire de la mort. Souillard pleurait, se traînait vers son maître, voulait mourir à ses pieds. Vadrouille la belle, la gentille, attendait les ordres, couchée un peu à l’écart. Contus caressait du museau son amie Carcaline et savait que c’était fini pour elle. Un calme étrange régnait, mais bientôt on entendit le croassement de quelques corbeaux. Le comte se mit à trembler et sortit de son état de stupeur. Il retrouva sa trompe et sonna de longs et lugubres appels, répétés sans cesse. Il savait qu’on l’entendrait à la Verdolle, à Combret, à Saint-Maurice et même jusqu’à Pousthomy et que l’on devinerait le drame.
Les bûcherons arrivèrent sans tarder. Ils dégagèrent le corps de leur patron, cherchèrent chez lui des signes de vie, ne voulant pas croire à sa mort. Chacun se disait : « Pourquoi n’est-il pas resté avec nous ? Pourquoi est-il parti avec le comte, tous les deux seuls pour attaquer une bête aussi énorme ? Quelle bêtise ! Il était trop gentil, Bouloc, il n’a pas osé refuser. Que vont devenir sa femme, et le fils, et nous ? Quelle catastrophe, quel malheur ! » Mais personne ne parlait, ce n’était pas le moment.
Ils déposèrent le corps de leur patron en travers de la selle de Contus et le cortège funèbre partit pour Combret. Souillard pleura de les voir s’éloigner et son maître le caressa, lui dit qu’il avait été très courageux et qu’on reviendrait le chercher sans tarder. De temps en temps le comte sonnait de la trompe, c’était sa façon de faire entendre le glas des trépassés, d’annoncer le malheur à ses gens. Du château, on les aperçut, et ils étaient nombreux à attendre au pont. Le curé Thémines était parmi eux et il administra les sacrements afin que l’âme du défunt soit accueillie au paradis, même s’il ne s’était pas confessé.
Chez lui, devant ses gens, le comte sortit de son abattement. Il fit dresser un catafalque dans l’entrée du château et les domestiques nettoyèrent le corps et l’habillèrent de vêtements propres. On alluma des cierges, deux femmes récitèrent leur chapelet et des prières pour les morts. Deux bûcherons restèrent aussi, d’autres les remplaceraient ; ils seraient avec leur patron jusqu’à son inhumation. Des hommes partirent chercher Souillard et abattre Carcaline, si elle était encore en vie. Un homme s’en alla à Varen, à cheval, une mule le suivait.




II. Combret





Camboulazet, l’envoyé du comte, traversa l’Aveyron à Saint Antonin et fut à Varen le troisième jour après le malheur, un peu avant midi. Peyroune Bouloc préparait la soupe, mais le petit Jeannot, perché sur une muraille, l’aperçut et courut à sa rencontre, précédé par son chien. Le cavalier aux deux montures se rendait chez Bouloc ; la Guillou était bien le nom de sa maison et il était bien le fils du bûcheron, dit Jeannot, fier d’une telle visite. Sur le pas de la porte, Peyroune comprit tout de suite et se laissa tomber sur le banc de pierre. Camboulazet lui transmis le désir du comte de la voir avec son fils. Elle ne pleurait pas, tenait serré contre elle son Jeannot, puis elle fit entrer le messager et lui servit la soupe. Jeannot mangea peu, juste pour lui obéir. Elle prépara son baluchon, enfourcha la mule. Elle se tenait raide, les cheveux noués dans un foulard noir, enveloppée dans son grand manteau noir. Jeannot, toujours blotti contre elle, pleurait de tout son cœur. Elle regardait droit devant elle, sans voir les voisins rencontrés, sauf le Georges à qui elle confia le soin de la maison et des bêtes. A voir cet équipage, les gens savaient et se signaient. Les femmes des autres bûcherons osaient demander au cavalier des nouvelles de leur homme et il répondait : « Seulement Bouloc. » Ils couchèrent chez des amis de Peyroune, entre Cordes et Saint Antonin, et dans cette maison accueillante, elle ne retint plus ses larmes. Epuisé, Jeannot s’était endormi sur la table. Ils reprirent la route avant le lever du soleil, accompagnés pendant quelques heures par Martial, l’aîné de la famille.

 Bouloc les origines Michel Carcenac




michel carcenac et stéphane ternoise à belves le 3 juillet 2011










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